Et sans transition...
Interrompons un instant notre programme Fujiesque pour vous raconter la journée d'hier (celle où j'ai pas pu aller sur le net, c'est vous dire s'il s'est passé des trucs).
Réveillé en fanfare à 6h du matin par une voiture équipée d'un mégaphone (je crois qu'il s'agit d'une campagne électorale, à moins que le cirque soit en ville, ce qui revient finalement à peu près au même), je commence par achever le paquet de biscuits Moon Light de la veille avec un peu de thé vert pour faire passer le tout. Ca va mieux.
Le plan d'aujourd'hui est de retrouver ma correspondante Hong-Kongaise, Germaine (si, si) à Shibuya, puis d'aller voir un feu d'artifice en fin de soirée. Techniquement, ce n'est pas très compliqué.
Je pars un peu en avance histoire de 1) Fuir le touriste chinois qui passe de la musique traditionnelle à fond sur le PC du lobby, même qu'au bout de dix fois ça devient lourd et 2) Trouver quelque chose à grignoter rapidement et pour pas cher, en vain. Le sous-sol des grands magasins Japonais est, à propos, une véritable oeuvre d'art. De la nourriture partout, répartie en différents rayonnages, des couleurs dans tous les sens, y'a pas à dire, le lieu mérite bien son nom de Food Show, on se croirait sur le plateau d'une émission TV (ou, à la rigueur, sur un plateau-repas).
Je retrouve donc Germaine et son amie Cham (HKaise émigrée en Australie depuis quelques années) devant la statue de Hachikô dont je vous laisse découvrir l'histoire en cliquant sur le lien idoine. Le lieu est bourré de jeunes Japonais habillés tous plus bizarrement les uns que les autres. Dingue.
Au passage, nous croisons trois filles au look dont le nom exact
m'échappe, mais dont la signification doit être plus ou moins "gueule
crâmée". Bronzées à outrance, elles arborent par contraste des cheveux
décolorés et des vêtements flashy qui les font ressembler à des Barbies
géantes en chocolat massif. Nous fuyons dans un café où nous trinquons (kanpai!) aux retrouvailles. Germaine et Cham, je les ai connues à Tenri, quand je faisais mon stage linguistique.
Petit regard au passage pour les gâteaux Japonais, réalisés avec tellement de soin qu'on dirait des faux.
Une autre Hong-Kongaise nous rejoint dix minutes plus tard, j'ai oublié son nom mais on l'appellera pour plus de commodité La-Fille-Qui-n'A-Pas-Arrêté-De-Me-Filer-Des-Coups-d'Eventail-Par-Inadvertance (LFQAPADMFDCEPI). Petite et rigolote, elle est l'une des asiatiques les plus délurées que je connaisse, du moins en ce qui concerne la Chine.
Direction un petit resto de râmen, succulents. Ils sont faits à la mode de Shikoku, avec de l'oeuf et de la bonne viande, rien à voir avec ce qu'on peut manger rue Sainte-Anne. Je n'ai pas encore goûté les Gyôza, mais ça ne saurait tarder! Pour l'adresse, j'ai complètement oublié, mais ça doit être un de ces petits magasins qui apparaissent au beau milieu de nulle part quand on en a besoin, donc pas de problème. A se rouler par terre, donc.
La panse pleine, c'est parti pour un peu de shopping
dans les grands magasins du quartier. A ce sujet, je ne dirai jamais
assez à quel point le Japon est bien pensé au niveau matériel. On
dirait que des types sont payés toute l'année pour trouver de nouveaux
moyens d'améliorer le quotidien de leurs compatriotes (qui a dit
"élus"?), par exemple en disposant sur le sol des lignes en relief pour
aider les aveugles à trouver leur chemin. Pas bête, ne?
Pour les
objets, ça se traduit par des rouleaux de scotch qui ne s'encrassent
pas, des pailles extensibles, ou encore des sacs qui se transforment en
nappe ou en cape de pluie au cas où. Mention spéciale aux meubles de
chez Muji, pleins de bon goût.
Bref, vous l'aurez compris, j'ai eu le plus grand
mal à me retenir de claquer mes sous dans cette caverne d'Ali Baba qui
donne non seulement envie d'acheter, mais qui en plus donne envie
d'acheter des produits a priori utiles. Je craquai finalement
pour quelques vêtements d'été, parce que les manches longues, c'est
bien, mais pas vivable à long terme.
Les filles essayent des
Yukata pour le feu d'artifice de ce soir, je résiste à la tentation
malgré les prix incroyables. Qui a dit que le Japon était cher? C'est
pas vrai, c'est juste que tout y est tellement génial pour les petits
touristes que nous sommes ;)
Bref, après toutes ces aventures, direction les studios de la NHK.
Alors,
la NHK (日本放送協会, Nippon Hōsō Kyōkai), c'est le plus important groupe
audiovisuel public du pays. Ils ont commencé avec la radio en 1925 et
bossent dans la télé depuis le début des années 50. Les Mystérieuses
Cités d'Or, c'est un peu eux. Les films de samurai, c'est eux
aussi. Nous posons d'ailleurs dans de jolis costumes moyen-âgeux
(photos soon) tandis qu'une autre partie des studios propose de se
balader dans les décors d'un célèbre film nippon (ou du moins ce qui
semble l'être). Mention spéciale pour les mascottes de la chaîne, des
p'tites bêtes aux grands yeux, tout ça.
Il est 17.00, nous laissons les studios derrière nous
pour nous diriger vers le ryôkan où logent les filles. L'endroit est
génial, un bâtiment de bois traditionnel et ultramoderne à la fois,
situé dans un vieux quartier à deux pas d'un des plus célèbres temples
de la ville. Faudra que je me renseigne sur les prix, ça peut être
chouette de dormir là-dedans quand même :p
Là, j'ai une surprise : devant mon refus d'acheter un Yukata
(c'est pas cher, mais j'ai décidé de ne pas dépasser les 2.000 Y par
jour jusqu'au 20), l'excellente Germaine a tenu à... m'en offrir un @.@
je remercie la demoiselle par force courbettes et déroge à ma
résolution en achetant les Geta qui vont avec. Encore une fois,
ありがとう ございます じぇるめンちゃん!
Après quoi nous nous dirigeons vers le feu d'artifice.
Ce dernier a lieu en l'honneur de O-bon, fête où l'on apaise l'esprit de ses
morts et qui accomplit l'exploit de vider complètement la ville de ses
habitants, ces derniers repartant l'espace d'une semaine dans leur famille en
province.
Impossible de manquer les réjouissances : des centaines
de personnes sont mobilisées, avec véhicules et caméras de
surveillance, pour drainer le flux des Tôkyôites venus assister à la
fête.
Comment vous décrire cette marée humaine qui se déverse dans
les avenues exsangues de voitures, entre les grands buildings éteints,
les jeunes filles en yukata coloré, un sac de tissu à la main, serrant
de près leur petit copain qui les dépasse d'une tête, vêtu quant à lui
d'un kimono plus sombre et échancré, avec pour seul bruit les
explosions au loin
A vrai dire, si je ne sais pas trop comment vous décrire tout ça c'est principalement parce qu'à chaque fois que je voulais voir ou entendre quelque chose, il y avait un imbécile de réverbère qui me bouchait la vue ou un policier qui nous hurlait "Circulez S.V.P!" dans les oreilles.
Finalement, nous atteignîmes la place où des milliers de gens étaient réunis pour voir le Hanabi. On devait être sur un pont ou quelque chose du genre, parce voir autant de ciel dégagé à Tôkyô, c'est pas normal.
C'était donc parti pour un fireworks de folie, qui en tout dura une heure et demie à nous en balancer plein les mirettes. Et je peux vous dire que nos petits pétards du 14 Juillet, ça les fait doucement rigoler, les maîtres artificiers de Tôkyô. Chez nous, y'a une fusée qui monte, pscchhh, et ça explose, boum. Ici, non seulement la montée est belle (elle colore un immense rideau de fumée laissé par les fusées précédentes), mais l'explosion n'est que le début d'un gigantesque ballet aérien dans lequel de nouvelles fleurs de feu éclosent et virevoltent là où on croyait leur pollen dispersé. Le mot d'ordre est "pourquoi faire une bête Chandelle bleue là où ont peut en caser cinquante de couleurs différentes?"
Bref, ça pétait dans tous les coins, le ciel entier
était habillé de nouvelles étoiles pyrotechniques aux paillettes
s'oxydant dans des couleurs toujours plus éclatantes (un peu comme
Ariel Fraîcheur Alpine).
Et nous ont était là, notre bouteille de
thé vert à la main, et on regardait avec de grands yeux. Parce que
c'était vraiment super, super beau.
Et c'est là que j'eus une pensée pour ces gens, au Moyen-Orient, qui se balancent des missiles à ne plus savoir lesquels appartiennent à qui, ceux qui ont des feux d'artifice tous les jours même que c'est souvent à domicile, bref, les gens à qui les bombes tombaient sur la tête tandis que les nôtres se contentaient d'exploser en vol. Et, bizarrement, de voir cette vieille poudre noire qui a tué à tour de bras transformée en un immense papillon de lumière pour la joie de tous ces gens venus faire la fête ne m'a pas inspiré de la culpabilité. Plutôt un sentiment d'espoir. La paix est fragile, jouissons du bonheur de la connaître, et espérons qu'un jour, les bombes tueuses seront remplacées par d'immenses fleurs de lumière.
Le feu d'artifice terminé, la masse humaine se bougea
et rentra, provoquant un monstrueux embouteillage au milieu duquel Cham
tint à retrouver une de ses copines Japonaises, ce qui en l'occurence
revenait à peu près à chercher un brin d'herbe séchée dans une meule de
foin. Après quoi, direction une croissanterie française pour y goûter
une spécialité à base de banane et de chocolat.
Le dessert
ingurgité, il était temps de s'attaquer au dîner, en l'occurence un
katsudon du tonnerre, ravalant tout ce que je connaissais en la matière
au rang de McDo décongelé de la veille. J'essaye de parler un peu
Japonais, et me rends compte quelques instants plus tard que je forme
les phrases en anglais dans ma tête. C'est ce qui s'appelle perdre son
latin.
Bref, tout ceci terminé, on rentre, et c'était pas trop tôt (une heure du matin), parce que je commençais à être sérieusement tenté de dormir en marchant dans les lignes droites. Je restai d'ailleurs bloqué quelques instants à la porte de ma chambre, persuadé que celle-ci s'ouvrait en poussant et non l'inverse.
Finalement, c'est sans tirer les rideaux ou ranger mes affaires que je m'écroulai sur le futon, en route pour un dodo que j'irai prolonger dès que l'heure me permettra de justifier une sieste ;)
P.S. : un type vient d'arriver à l'hôtel, je lui ai dit "bonjour" automatiquement, et il m'a répondu v.v j'ai l'impression que je détecte les Français, même de loin et sans lunettes @.@