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Nippons et chaussées
14 août 2006

Fuji, partie 3

Paysage de nuit. Le tonnerre gronde, et les éclairs qui courent sur les nuages sont comme des dragons furtifs et éclatants. A l'opposé, la lune est un grand oeil immobile dans le ciel, écarlate à force de ne pas cligner.

Je me dis que c'est comme si un dieu de l'orage tentait de séduire une dame céleste cachée derrière ses voiles.

J'ai 4h de marche au compteur lorsque j'atteins l'Original 8th Station. Les derniers mètres ont été durs. 400m me séparent encore du sommet. Je cherche un coin pour dormir, à l'extérieur car les refuges sont bruyants et hors de prix.

9h00 - Je m'installe tant bien que mal au pied d'un vieux torii de bois. A mi-chemin entre le monde réel et celui des esprits, je regarde le ciel qui se déchire.

10h45 - Réveillé par le froid, je remballe mon matos. La pleine lune est haute dans le ciel à présent. Saleté. Mon camelback fuit. Il fait au moins un million de degrés sous zéro.
Je rejoins tant bien que mal les toilettes d'un refuge. Le portillon ne veut pas de mes pièces. A bout de patience, je l'escalade (technique secrète parisienne) et somnole comme je peux. Il me reste une heure de marche.

23h30 - Je suis entre deux couches nuageuses. Celle d'au dessus ressemble au dos écaillé d'un poisson géant.

00h00 - Tout en bas, des lueurs de maisons isolées. J'ai l'impression d'avoir tant grimpé que je suis arrivé au dessus des étoiles. Gros rochers, plus faciles à appréhender.

00h25 - Arrivé à un nouveau torii, je fais une pause sur une pierre plate. Me suis réchauffé. Je caresse le grand porche de bois et sens dans le contact des pièces de monnaies fichées en offrande dans ses fissures. Etranges coquillages brillants à marée basse, certaines sont tordues, à moitié fondues. Elles doivent être là depuis des années. Je songe distraitement à combien tout cela peut valoir.

Autour de moi, le trait blanc des cordes phosphorescentes sous la lumière de ma lampe, et c'est comme si j'avais été propulsé dans un roman de Barjavel, lorsque l'obscurité me révèle certaines couleurs.

C'est reparti. Je peine. Cailloux. Air rare. Des grimpeurs américains arrivent derrière moi, ça me motive pour continuer.

Et soudain, au moment où je me demandais combien de temps j'allais encore mettre pour l'atteindre, je tombe au détour d'un chemin sur un endroit familier : c'est le dernier torii!
Oublié le froid, oubliée la fatigue. Je contemple, incrédule, celui que j'avais vu en photo lorsque je préparais le voyage, encadré par les statues de deux chiens fu et s'ouvrant sur un long escalier de pierre, dernier pas du monde des vivants avant le sanctuaire... il était donc si près que ça?

Je coupe ma lampe et admire le paysage sous la lumière de la lune. OH MY GOD I DID IT!

Ma main se pose sur le bois et, aussi incroyable et circonstanciel que ça puisse paraître, à cet instant un éclair illumine le ciel et tombe au loin.

_______________________________________________________

Eh bien voilà, ça y est. En haut du Mont Fuji, il y aune grande pierre commémorative, ainsi qu'une rangée de petites échoppes, un bureau de poste (!), un observatoire spatial que je n'ai pas vu et une pelleteuse dont j'ignore ce qu'elle fiche là, ni comment on l'a apportée.

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Tout dort pour le moment. A ma droite, deux Japonais tentent de faire un petit feu. Il y a même un distributeur de chocolat chaud! Ici, tout est cinq fois plus cher qu'en ville. Ce qui est dommage, c'est que vu le froid qu'il fait, on en a cinq fois plus envie.

J'attends, je me les gèle. Emmitouflé dans mon duvet, je regarde les petites loupiottes des grimpeurs qui se réveillent et commencent l'ascencion finale depuis la 8e station.

Un resto ouvre, nous crie de venir déguster leurs râmen tout chauds. Je me laisse tenter et fais la connaissance d'un groupe d'étudiants étrangers fraîchement débarqués. Nous regardons ensemble le lever du soleil.

Je suppose que vous voyez tous à quoi ça ressemble, un disque rouge qui émerge d'un océan de nuages gris perle, et ouvre comme une plaie dans le ciel qui saigne de toutes les nuances de rouge imaginables. L'aurore aux doigts de rose se lève et s'étend vers nous, caresse nos visages et soudain...

... soudain...

... soudain un crétin du restaurant derrière lance à fond We Will Rock You comme si c'était un accompagnement indispensable de ce moment solennel. Curieusement, personne ne semble décidé à le balancer dans le vide. Au lieu de ça, tous hurlent "Mina-san, ohayô gozaimasu! Otsukaresama deshita! BANZAI!" et rigolent. C'est ça, le Japon -.-
Ce doit être parce qu'elle est délivrée du poids de l'oxygène que l'atmosphère ici est si légère. :p

Ceci fait j'entame la descente, en compagnie d'un professeur de français d'origine mexicaine. On parle grammaire. Il me confie que la différence fondamentale entre l'espagnol et le mexicain est que ses compatriotes ont l'esprit tellement mal placé qu'ils chercheront toujours l'ambiguïté dans vos phrases. Fort heureusement, ils n'ont pas encore découvert BashFR.

Bref, il pleut un peu, on se tue les pieds. Arrivé à Kawaguchiko, je ne me réveillerai que le temps de changer de bus (d'ailleurs recouvert d'images Hamtarô).

On se quitte sur une petite image du sommet, parce qu'il le vaut bien. C'est un cratère profond et désolé où il fait tellement froid le matin que certains visiteurs des pays chaud y virent ce matin là de la neige pour la première fois de leur vie.

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Ce fut une belle aventure, les copains. Je pense que je la retenterai un de ces quatre, en hiver cette-fois ci, et accompagné sans doute. Car selon le proverbe, "Celui qui a gravi le Mt Fuji une fois est un sage, celui qui l'a fait deux fois est un fou."
Et je m'en voudrais de faillir à ma réputation ;)

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Commentaires
F
quel courage d'oser escalader le mt fuji!tout seul en plus...<br /> Et ca doit être vraiment magnifique de voir le lever du soleil au pays du soleil levant justement!<br /> <br /> T'as vraiment beaucoup de chance!
H
L'air raréfié, en fait, ça se sentait surtout parce qu'on était essoufflé et qu'on avait bobo aux pattes, mais j'ai pas ressenti de sensation d'étouffement perso :) pis j'veux bien t'emmener la prochaine fois, si t'arrives à te plier dans ma valoche ;)<br /> <br /> Zaz, ouais c'est chouette, mais c'est clair que la journée d'hier je l'ai passée à dormir xD
Z
wow de l'alpinisme nocturne :p<br /> Je crois pas que j'oserai, j'préfère dormir ^^<br /> en tout cas ça devait être top de voir le lever du soleil sur le toit du monde ^^
F
Tu m'emmene? :p<br /> <br /> 'Fin c'que je m'étais demander au premier épisode, c'était effectivement si l'air été rare ou pas... Ca fait peur ça j'trouve ^^" lol<br /> <br /> Par contre, le coup de la musique c'est dommage =___= Ca m'aurait énervé j'pense ^^" lol<br /> <br /> C'est une belle expérience en tout cas... arf... *rêve*
Nippons et chaussées
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