Arrivée au Japon
Je suis dans le train, Limited Express for Ueno, et un vent pluvieux cingle la forêt autour de nous.
Contre toute attente, le vol s'est déroulé sans accroc notable, si ce n'est la terrible épreuve de la cuisine aérienne russe et ses petits pains aux raisins de l'angoisse. Ici, la technique consiste à tremper sa nourriture dans du thé vert et l'avaler suffisament vite avant qu'elle se solidifie à nouveau. Si les couteaux en plastique fournis par Aeroflot ne peuvent donc suffire à braquer un appareil, le pirate de l'air démuni trouvera dans leur pâté de poisson l'arme bactériologique ultime.
J'en profitai pour lier connaissance avec mes compagnons de voyage : deux férus d'électronique, un bassiste piercingé terrorisé à l'idée d'être refoulé à la douane la veille de son concert, et un artiste californien passionné d'estampes chinoises. Je vous invite d'ailleurs à jeter un oeil sur son travail.
Après une nuit de sommeil en pointillés et un verre de jus de pomme russe (le seul dont la couleur est plus flashy que l'illustration de la bouteille), on nous distribue un petit questionnaire à remplir, qui me demande gentiment si je me drogue, transporte des explosifs ou traîne un casier judiciaire international.
Réponse: nan.
Mais au moins, maintenant, je saurai écrire "marijuana" en japonais ^.^;;
Enfin, l'avion agresse sauvagement la piste d'atterrissage, et nous quittons l'appareil pour la chaleur moite de Narita. Il pleut. (D'où le nom, peut-être, de la compagnie Aeroflot? = vols pas chers, mais prévus pour se poser les jours d'orage. Damned.)
Bonjour Japon :) ça fait un bail. Petit contrôle de douane. Là où, en France, un Martiniquais rigolard me demandait où j'avais eu mon t-shirt, l'employé Japonais, aussi aimable que possible (c'est-à-dire que s'il avait souri plus, la partie supérieure de sa tête serait tombée par terre), retourne ma valoche dans tous les sens à la recherche de trucs illégaux puis me laisse partir, un peu déçu de n'avoir rien trouvé d'autre qu'une trentaine de .mp3
Juste après passent les musiciens. Ignorant l'adresse de leur hôtel, je leur ai prêté mon guide pour qu'ils en déclarent un au pif (un trois étoiles, tant qu'à faire). Le peintre, par contre, a plus de difficultés. Interrogé par un agent nerveux, notre globe-trotter tente d'expliquer qu'il fait de son métier le tour du monde des pays pauvres, afin d'apprendre aux enfants à dessiner et non pas suivre un entraînement intensif de poseur de bombes. Il s'éloigne finalement, escorté par cinq douaniers peu commodes.
Je ne l'ai plus jamais revu.
(bon, d'accord, ça ne fait que cinq minutes, il a encore le temps)
Finalement, je me dirige vers le train. Il est frais, le genre de fraîcheur artificielle et très agréable qui te fait
prendre conscience que, si jamais tu sors, tu vas prendre un paquet de chaleur monumental dans la figure.
Je tente de reconnaître des kanji çà et là, mais ne parviens à me rappeler que des moyens mnémotechniques qui s'y rattachent.
Exemple : "Alors, euh, ça c'est le chien qui lève la patte avec la virgule inversée en dessous... mais il veut dire quoi, déjà? @.@"
Contrairement au métro parisien, les gens ne tirent pas la tronche. Ils sont calmes. Certains dorment. Je ne pense qu'à une chose : ne pas oublier mon sac. C'a failli m'arriver trois fois depuis hier -.-
Deux jeunes filles montent et s'asseyent à ma droite. La plus âgée a un look "punk kawaii", avec des couleurs vives, des autocollants d'animaux un peu partout et un iPod customisé. Son parapluie est blanc et rouge, samontre rose. Elle a une boucle d'oreille "tête-de-mort" en plastique grossier, ses cheveux sont ramenés sous un bonnet noir à paillettes. Quant à son jean, il est lacéré comme si elle l'avait acheté dans un surplus de Jurassic Park.
A ma gauche, un jeune au pantalon faussement rapiécé écoute de la musique en somnolant entre ses gros écouteurs kakis.
Mon stylo a une fuite, je l'ai entouré d'un Kleenex pour ne pas ressembler à un test de Rorschach.
En face de moi, un retraité au parapluie vert lit un livre dont le titre est masqué par un cache de papier marron. Je m'interroge sur son contenu.
Plus loin dans le wagon, un Français discute en anglais avec un père de famille autochtone. Ils ont l'air de s'amuser.
Ca me fait penser que je vois Germaine de Hong-Kong dimanche. D'ici là, il faudra que je peaufine ma super technique pour faire croire aux gens que je comprends ce qu'ils racontent v.v
Voilà ce que c'est de travailler son vocabulaire en écoutant du rock. Va caser "I think I'm a clone now" dans une conversation!
Le type à ma gauche se décale. Soit il lit par dessus mon épaule, soit la douche salvatrice est encore plus urgente que je l'imaginais.
Arrêt, Takasago. Le retraité se lève et part, remplacé par une lycéenne en uniforme, spéciale dédicaz à Grenadin. Comme beaucoup, elle a un mobile (mais pas de quoi la faire coffrer pour autant). Rose, comme son parapluie. Elle pianote, tic tic tic, hop, un ch'tit SMS en kana.
Arrêt, Aoto. Les deux jeunes filles sortent, un petit garçon rentre. Il lit Dragon Ball. Le Français range sa valise monumentale.
Le train continue de rouler dans un bruit agréable de technologie bien entretenue. Dehors, la campagne a laissé place à des immeubles de toutes tailles entortillés dans les lignes électriques comme des insectes dans une toile d'araignée. Un building recouvert de carreaux jaunes, une maison rouge, une rivière, la gare qui fait comme une grande entaille dans le sol débordant de feuilles vertes. Tôkyô est un immense cadavre exquis en Légo, aléatoire et organisé à la fois.
Tsugi wa Ueno. Ueno desu. Next station, Ueno. Je descends et rejoins l'hôtel. Là, petit coup de flip, la réservation a bien été faite, mais pour deux personnes. Ils ont oublié d'annuler celle de Grenadin =.= Je prends mon plus bel air de gaijin abruti, ça marche comme sur des roulettes (d'un autre côté, c'est pas facile de marcher sur des roulettes, mais là n'est pas la question).
Après prise de possession de ma chambre (= lutte acharnée contre la poignée de la porte qui s'ouvre à l'envers), je succombe aux appels de Morphée et fais une petite sieste de cinq heures. Je n'avais pas dormi autant depuis longtemps, ça fait du bien. Au réveil, je me force à enfiler un yukata et me traîner vers les bains.
Situés au dernier étage de l'immeuble, ceux-ci offrent une vue imprenable sur le coucher de soleil. Je me lave et plonge dans l'eau brûlante avec délice (rappelons que le bain étant commun, il est préférable d'être propre comme un sou neuf avant de goûter aux joies d'icelui)
C'est vachement agréable, un ofuro, le problème est que j'ai du mal à rester assis plus de cinq minutes à regarder l'eau qui fait des bulles. Retour à la douche, je m'asperge d'eau glacée et me rhabille.
Je sors et fais un petit tour dans la nuit. La mode féminine en matière de haut rayé fait un peu penser aux pulls marins. Mon estomac refusant d'avaler plus qu'une boulette de riz, j'investis le reste dans un carnet et un crayon. Les Criterium japonais ont ceci de remarquable que la gomme placée à leur bout est réglable en taille. Ca évite de l'abîmer ou de la perdre.
Une fois rentré, j'hésite à tout mettre en ligne dès ce soir. Trop fatigué, je range mes affaires et m'endors sur le coup avant de subir le syndrome du décalage horaire: réveillé en pleine forme à une heure du matin. Je comate un peu, puis décide de descendre et de configurer le blog. Il est à présent 6.30 AM, et tout est bientôt fini (enfin, commencé plutôt).
J'espère que vous prendrez plaisir à lire ces lignes.
Ja ne, tous!
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